Stories | Pardon To Tu Club

Varsovie.

Ce n’est pas un club comme les autres concède pudiquement Daniel Radtke, son co-fondateur et directeur artistique. C’est le moins qu’on puisse dire : salle de concerts, librairie, café ouvert tous les jours à partir de 9h, resto bon marché, bar qui ferme chaque soir à deux heure du matin, espace de rencontres littéraires d’ateliers pour enfants, le Pardon To Tu s’est imposé en moins d’une décennie comme le repaire incontournable de l’underground polonais, et ce malgré son récent déménagement dû à la démolition de son bâtiment d’origine. Il suffit de voir sur leur site Internet la liste détaillée des artistes qui sont passés par chez eux depuis 2011 : les pointures free Mats Gustafsson, Ken Vandermark ou Peter Brötzmann, les piliers afro-jazz Hailu Mergia, Pat Thomas ou Ebo Taylor, les rockeurs Thurston Moore ou James Chance mais aussi toute la crème du jazz new-yorkais d’Ambrose Akinmusire à Marc Ribot en passant par Mary Halvorson. Au total plus de 700 concerts à l’esprit volontairement décloisonné :

« Du free jazz, de la musique africaine, de l’impro, du rock… on veut tout faire ! Ce qui est, selon moi, la meilleure de choses pour nous et pour le public ».

L’exploit est de taille car, détail qui n’en est pas un, le Pardon To Tu ne bénéficie d’aucune aide de l’Etat pour ainsi promouvoir la culture transversale.

Une communauté

« C’est grâce à la recette du bar qu’on peut organiser des concerts » résume Daniel Radtke. Avant d’ajouter : « l’ironie, c’est qu’on gagne plus d’argent quand il n’y a pas de concert… Mais les gens qui viennent pour le bar viennent parfois jeter un œil au concert parce qu’ils ont entendu parler de nous comme d’un bon lieu, avec de la bonne musique et une bonne ambiance ». C’est tout l’objectif du Pardon To Tu : « constituer une communauté, pas seulement des consommateurs ». Un exemple ? « Chaque musicien qui a joué ou joue chez nous peut venir gratuitement aux concerts. On fait aussi des billets à prix réduit et même encore plus réduit pour les jeunes et les chômeurs ». Cerise sur le gâteau : là où les clubs filent habituellement deux, trois tickets boisson aux artistes à l’affiche, le Pardon To Tu leur laisse open bar. « Parfois, ils choisissent mon meilleur whisky, mais c’est pas grave, ça me fait plaisir, vraiment ».

l’optimisme est un pessimisme contrarié…

Si le club polyvalent de Varsovie a aujourd’hui trouvé son rythme de croisière au point d’avoir été récompensé en 2016 par le légendaire festival danois Roskilde, ça n’empêche pas Daniel Radtke d’être inquiet. « Je garde toujours en tête nos 200 premiers concerts qui n’avaient pas trouvé leur public… Ça me rappelle à chaque fois à quel point les choses peuvent mal se passer. Et il faut s’y préparer, tout en sachant que le plus important, c’est d’être très, très, patient. C’est impossible de tout contrôler, il faut savoir prendre du recul. L’autre chose importante, c’est de ne jamais avoir les yeux plus gros que le ventre et penser que tout va bien se passer. Non, il vaut mieux toujours s’attendre au pire, ça rend les choses plus faciles par la suite ».


Le Pardon To Tu, ou quand l’optimisme est un pessimisme contrarié.