Y’a des disques qui se perdent | Les Bons Plans de Hatch
Tous les deux mois, le collectif Hatch nous confie le fruit de leurs écoutes sinueuses dans l'univers des musiques électroniques en marge. Artistes sonores expérimentaux, djs biberonnés de techno radicale, musicien·nes électro-acoustiques, performeur·ses ambient...avec Hatch le champ des possibles est vaste et l'expérience auditive particulièrement exaltante. ↓
On commence ce trimestre avec une fine sélection des sorties incontournables ou passées inaperçues cet été.
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Eczem – Vormaks/Veliform (Memory Glands – Août 2020)
2020 ne peut être qu’une belle année, Warp a annoncé un nouvel album d’Autechre pour octobre. Et si c’est toujours avec plaisir et déférence qu’on accueille cette nouvelle, il convient de toujours garder un œil sur la production foisonnante de la nouvelle génération braindance. Cette sortie cassette de l’artiste san diegan eczem sur Memory Glands se compose de vormaks, un amas de sautillement synthétiques à congruence variable et de veliform, une plongée massive au coeur de la RAM d’un calculateur quantique de chez D-Wave.
Christina Vantzou– Multi Natural (Edições CN – Juillet 2020)
Avec Multi Natural, Christina Vantzou continue son travail de mise en espace du matériau sonore. Mais plutôt que de se focaliser sur la manière de façonner un édifice, on a davantage l’impression que Vantzou a voulu développer des espaces négatifs comme si la compositrice cherchait à capter la fondation d’une image sonore. Dans cette image, le field recordings ne se cantonne pas à l’exploration d’identités géographiques mais intègre les territoires numériques comme des hétérotopies à rebours.
UCBM – United Colors of Black Metal (Zamzamrec – Juin 2020)
Avis aux amateurs de Pneu, de Colonies de vacances, de Tachycardie et de Futuroscope (les groupes ou les noms communs selon les goûts), Jean-Baptiste Geoffroy revient dans ce nouveau duo avec Guillaume Brot, un habitué d’Et Mon Cul, c’est du Tofu?, pour secouer les membranes des micros. UCBM joue une drone chargée négativement qui fait la part belle aux cadences effrénées de l’ère moderne. Ici, il ne s’agit pas du rythme débridé des machines mais de celui de nos inconscients enragés réclamant l’éclipse berserkienne.
Humbros– From 0 to 90 (Phantom Limb – Juillet 2020)
Un LP de Humbros chez Phantom Limb. Voici une belle surprise! Les enregistrements du duo nantais étant jusqu’à présent assez rares quel plaisir d’en profiter aujourd’hui sur le format d’un album. Simon (électronique / saxophone) et Charles (batterie / percussions) poursuivent leurs explorations soniques et cosmiques en mouvement perpetuel. Sur le fil de l’improvisation, textures électroniques, fields recordings, percussions et élements acoustiques dialoguent et fusionnent d’une sublime façon…
Arca – &&&&& (PAN – Septembre 2020)
Pour sa centième référence PAN records réedite &&&&& de Arca. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une nouveauté mais l’objet mérite de s’y attarder à nouveau. Dans cette mixtape initialement sortie en 2014 la productrice venezuelienne pose les jalons de son identité artistique et d’un son tout à fait singulier. Une fluide succession de 14 esquisses sonores vous attend, soit 25 minutes de grime, pop, dub, glitch et hip-hop distordus et futuristes.
Various Artists – Ici Danse le Peuple Oublié (Métaphore Industrie – Juillet 2020)
Assurément une des sorties marquante de l’été. Le collectif Metaphore convie la crème de la scène hexagonale, européenne (mais pas que) sur cette compil d’envergure dont les bénefs ont pour objectif d’aider à la réouverture du META ; lieu de diffusion et de teuf marseillais en danger de fermeture. La sélection est forcément qualitative mais aussi ultra exhaustive puisque 64 artistes habitués ou proches du lieu ont répondu à l’appel ! Le contenu est hétéroclite, intense, euphorisant. On y trouve bon nombre de perles; Bass avec Simo Cell, uglyy, ambient/hip hop? de Basses Terres, un revirement bien Noise de Low Jack pour n’en citer qu’une infime partie…
William Fields – Bewilderment (Superpang – Juillet 2020)
S’il n’y avait qu’un label à retenir pour cet été, ça serait Superpang. Chaque semaine a vu fleurir un nouveau panégyrique à la musique électronique d’avant-garde. Que ce soit avec le bruit crachotant de Mats Gustafsson (coucou le jazz) ou encore ici avec les algorithmes de William Fields. En soit, le système codé en java est fascinant mais pour Bewilderment, William Fields a programmé son séquenceur avec comme condition intrinsèque de n’utiliser que la gamme de Bohlen-Pierce. Il n’y a plus qu’à se laisser bercer par le flot continu des harmoniques impaires.
Vica Pacheco – Symplegmata (KRAAK – Juillet 2020)
Premier long format de Vica Pacheco, artiste polymorphe affiliée à l’Outreglot family. Pour cet album sorti sur le label bruxellois KRAAK, Vica Pacheco développe ces travaux sur la voix, entamés avec la pièce Vocamorfosis commandée par France Culture en 2017. Mais Symplegmata c’est d’abord la fusion, l’étreinte, la paraphylie et la poïétique des fonds marins. Ainsi, l’album recelle de situations saugrenues qui s’embrassent entre cumbia embryonnaire et électro-acoustique rebondissante.
FRKTL – Excision After Love Collapses (Self-release – Juillet 2020)
Sarah Badr (aka FRKTL) imagine son travail à l’échelle macro. Ses albums sont autoproduits, elle en conçoit l’identité visuelle et chaque nouvelle pièce révèle une vision plus riche de sa musique, comme une simple phrase peut avoir l’effet d’une bombe dans un film de Charlie Kaufman. Pour ce nouvel opus, l’artiste cairote a développé sa manière de gérer l’espace sonore en intégrant des éléments de field recordings qui tantôt vont soutenir des percussions saturées tantôt vont accompagner sa voix éthérée. Une intense sensation dechute libre.