Her life was saved by rock and roll

billet d'humeur

Article en partenariat avec l’Université Populaire de Lyon

Jenny said when she was just five years old
There was nothin’ happ’nin’ at all
Every time she puts on the radio
There was nothin’ goin’ down at all, not at all
Then one fine morning, she puts on a New York station
You know, she don’t believe what she heard at all
She started shaking to that fine, fine music
You know, her life was saved by rock and roll


Nous sommes sans doute nombreux et nombreuses à avoir eu, comme Jenny, notre vie sauvée par la découverte du rock’n’roll — ou de tout autre type de musique. La chanson, écrite par Lou Reed du temps du Velvet et sobrement intitulée « Rock & roll », nous rappelle combien la radio et ses dérivés contemporains ont joué et jouent encore un rôle décisif dans l’ouverture sur le monde. Ce rôle est d’autant plus fondamental qu’on vit dans un univers étriqué, cloisonné ou fermé sur lui-même.

Grâces soient donc rendues à tous les médias existants ou encore à inventer qui nous permettent de découvrir de nouveaux horizons culturels et artistiques, mais aussi d’autres possibles politiques, sociaux, affectifs, etc.,

bref qui nous permettent d’envisager que le monde peut être différent et meilleur que celui dans lequel nous vivons actuellement. Et si l’héroïne de Lou Reed n’a que cinq ans, il n’y a aucune raison de penser qu’une telle découverte serait réservée aux plus jeunes : il n’y a pas d’âge pour changer de point de vue, de goûts, de pratiques.

Mais n’y aurait-il pas là une contradiction, que les actuelles restrictions sanitaires rendraient plus sensible et pénible ? Jenny a découvert le rock’n’roll avec ravissement en allumant la radio mais sa vie aurait-elle été vraiment sauvée si elle n’avait eu l’expérience de cette musique que par la voie des ondes ? Gageons que sa passion se serait étiolée si elle en était restée à cette première expérience et n’avait pas, quelques temps plus tard, poussé la porte d’un club enfumé, sentant la sueur et la bière éventée, où se produisait un groupe plus ou moins virtuose mais à coup sûr sonore, pour danser non plus seule devant son poste mais entourée d’autres amateurs et amatrices enthousiastes de cette fine, fine music. Apprécier la musique reste et doit rester, de manière prédominante, une expérience collective qui se vit en direct.

Bref, la morale par anticipation de la chanson de Lou Reed pourrait bien être : rouvrez les salles de concert, bordel de merde !

Lilian Mathieu


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A propos de l’auteur

Lilian Mathieu est sociologue, directeur de recherche au CNRS et membre du Centre Max Weber. Il travaille principalement sur les mouvements sociaux, et plus spécialement sur les mobilisations de groupes à faibles ressources politiques, ainsi que sur le monde de la prostitution et les débats, mobilisations et politiques dont il est l’objet.