Aller de l’avant dans le monde d’après
- Par Mathieu SCHOENAHL
- Septembre 2020
Billet d'humeur.
A l'occasion de la sortie de notre premier magazine "Périscope Magazine", sorti à l'occasion de notre projet Jazz Connective, nous avons demandé à Mathieu Schoenal du festival Météo à Mulhouse de nous livrer un billet d'humeur sur la crise que nous traversons. Le verdict est sans appel : les algorithmes et les pouces bleus ne remplaceront jamais le travail de fond que nous menons depuis des années sur les musiques innovantes.
« Le monde d’après » était prometteur. Il est encore balbutiant.
Un peu partout en Europe, l’été culturel aura pris une forme virtuelle guère satisfaisante. En streaming, concerts et festivals, en direct ou en archives, comblent le vide laissé par l’interdiction des rassemblements. Un ersatz largement énergivore, à l’heure d’une nécessaire révolution écologique. Une forme de renoncement aussi, un message contre productif adressé aux partenaires. Un livestream dans son salon vaudrait bien un concert avec du public. Tout l’inverse d’un travail de fond mené au quotidien :
sortez aux spectacles, soyez curieux, ne vous laissez pas enfermer par les algorithmes et les écrans bleus.
Ces derniers mois, les forces issues des territoires semblaient avoir pris un léger ascendant, mais revoilà le temps des injonctions venues d’en haut. Des projets de médiation culturelle bouclées à la va-vite pour répondre aux demandes d’un « été apprenant » qui oublie une fois de plus qu’artistes et structures culturelles s’activent sur le terrain avec inventivité et créativité. Déjà, l’automne pointe son nez, et avec lui le désir de reprendre au plus vite, de reconfiner à grande vitesse les salles de spectacle, oubliant parfois bien vite que ce maudit virus a fait plus de morts dans le monde ces dernières semaines que pendant les deux mois de confinement forcé. Les saisons culturelles sont annoncées, les festivals dévoilent des programmations gargantuesques et peu de place est laissée à la possibilité de réagir aux crises, aux mouvements de protestation, au surgissement parfois soudain d’inévitable questions de société. Encore plus, toujours plus. Il va bien falloir que des choses changent, élever la voix. Les musiques, jazz, improvisées, expérimentales, créatives, ne supportent guère la mièvrerie. Elles ne touchent toutes les catégories de population que quand elles ont quelque chose à dire.
Alors, ne pas céder à une relative tiédeur, ne pas confondre localisme avec repli nationaliste, ne pas la jouer perso à un moment ou les collaborations et les mutualisations sont essentielles.
Mathieu SCHOENAHL
Directeur de Météo Mulhouse Music Festival