A lire | BMC records en quelques disques (et pas mal d’histoires).
Plongez dans le catalogue du label historique BMC records, à l'aide de son représentant Tamás Bognár
Fondé en 1998, le catalogue de BMC Records compte aujourd’hui plus de 300 références. BMC Records publie des artistes hongrois et internationaux du domaine contemporain, classique et jazz. La stratégie du label est d’être ouvert à la transmission des valeurs musicales traditionnelles ainsi qu’aux répertoires représentant de nouvelles approches plus expérimentales. Grâce à ses sorties au fil des ans, BMC Records a permis à un certain nombre d’artistes hongrois d’acquérir une reconnaissance internationale et a initié une collaboration fructueuse entre des musiciens, des ateliers et des orchestres hongrois et internationaux. Le catalogue couvre les œuvres des plus importants compositeurs hongrois contemporains et classiques (Liszt, Bartók, Ligeti, Kurtág, Eötvös) interprétées par des artistes aussi renommés que Pierre-Laurent
Aimard, Barbara Hannigan, Gábor Csalog, Adrienne Krausz, Ensemble Modern, le Calder Quartet et le BBC Symphony Orcherstra. Les albums de jazz présentent des artistes tels que Archie Shepp, Chris Potter, Hans Lüdemann, Aki Takase, Dave Liebman, Joachim Kühn, Daniel Erdmann, Lionel Loueke, ainsi que Émile Parisien, Théo Ceccaldi, Christophe Monniot, Matthieu Donarier, Thomas de Pourquery, Hugues Mayot et Clément Janinet. Les prix décernés par le Midem, Jazzman, Deutsche Schallplatten et Diapason Magazine, ainsi que plus de trois mille critiques dans la presse internationale, témoignent aujourd’hui l’importance du label. BMC Records est devenu un label qui marque les esprits en Europe, et cela en physique et en numérique, pour ne décevoir personne.
↓↓↓
Le disque le plus emblématique de l’histoire de BMC ?
Gábor Gadó Quartet: Orthodoxia (2002)
La carrière internationale de BMC Records a commencé avec cet album. Il s’agissait essentiellement d’un groupe français avec Matthieu Donarier (saxophone), Sébastien Boisseau (contrebasse) et Joe Quitzke (batterie) sous la direction du guitariste Gábor Gadó. A cette époque, il vivait en France de façon permanente, mais aujourd’hui il passe la majorité de son temps en Hongrie. Le quartet était très populaire à cette époque et jouait beaucoup en France, et nous avons donc pu vendre 4000 copies de l’album rien qu’en France. C’était une étape et un succès inimaginables pour BMC. C’est ainsi que nous avons reçu la prestigieuse invitation à dîner à la première soirée d’Abeille, notre ancien distributeur français, à Cannes, au Midem, et qu’un tout nouveau monde s’est ouvert à nous.
A ce jour, je reçois toujours les mêmes commentaires de nombreux jazzmen français qui visitent notre entrepôt après des concerts à l’Opus Jazz Club de BMC avant de leur remettre ce CD. A savoir qu’ils ont été élevés sur ce disque particulier et qu’ils le possèdent déjà.
Gadó est l’artiste de jazz le plus représenté du label, nous avons plus d’une douzaine d’albums avec ses différentes formations. Son tout nouvel enregistrement en duo (Whispering Quiet Secrets Into Hairy Ears) avec János Ávéd au saxophone vaut également le détour. Avec la contribution de deux jeunes musiciens classiques hongrois, ils interprètent également deux compositions de Liszt, qui sont véritablement éthérés.
Un disque que vous avez vraiment eu du mal à sortir ?
The Cool Runnings Orchestra : Tribute to Marley (2011)
C’était un projet typique planifié derrière le bureau d’un producteur avec des participants qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant. Nous avons invité sept musiciens de quatre pays différents : Christophe Monniot (saxophone) et Manu Codjia (guitare) de France, Michael Schiefel (voix) et Carsten Daerr (piano) d’Allemagne, Viktor Tóth (saxophone) et Mátyás Szandai (contrebasse) de Hongrie, et enfin le grand Hamid Drake d’Amérique, qui a beaucoup tourné avec des groupes de reggae de haut niveau aux États-Unis avant de se lancer dans le jazz moderne.
Tous les participants partageaient donc l’amour de la musique reggae et l’affection pour Bob Marley, et bien que je considère toujours cet enregistrement comme tout à fait unique et que je sois plus qu’heureux et fier que nous ayons pu le réaliser, la session d’enregistrement et le premier concert en Hongrie ont été assombris par quelques conflits et malentendus personnels. Heureusement, on ne les entend pas sur ce superbe CD.
Un des disques les plus sous-estimés qui mérite d’être réécouté aujourd’hui ?
Je citerais deux chanteurs masculins de notre catalogue, Andreas Schaerer de Suisse et Michael Schiefel d’Allemagne.
Utiliser le terme « chanteur » dans le cas d’Andreas Schaerer est un euphémisme. En réalité, il s’agit plutôt d’un acrobate vocal qui enrichit le monde international du jazz de ses prouesses audacieuses. Coloraturas, chant de crooner, scats sauvages, rap et peinture sonore colorée – il n’y a rien qu’il ne tente de maîtriser ou d’inclure dans son répertoire. Il est désormais un artiste du label ACT, et a réalisé de nombreux CD merveilleux ces dernières années, mais celui qu’il a enregistré avec BMC en 2014, intitulé Perpetual Delirium, reste mon préféré. Sur cet album, il est rejoint par l’ensemble de saxophones contemporain, Arte Quartett et le bassiste, Wolfgang Zwiauer. Il y a d’autres grands quatuors de saxophones, il y a Andreas avec ses autres groupes fabuleux, mais quand même, vous n’entendrez rien de tel. L’autre chanteur est Michael Schiefel, avec qui nous avons travaillé sur plusieurs projets. Mon préféré parmi ceux-ci est son album Platypus Trio (2014) avec Jörg Brinkmann (violoncelle) des Pays-Bas et notre héros local du cymbalum, Miklós Lukács. Il en va de même concernant l’originalité du son inédit.
Un disque à l’image d’une belle collaboration européenne ?
Velvet Revolution de Daniel Erdmann, feat. Théo Ceccaldi et Jim Hart : Won't Put No Flag Out (2019)
Le trio du saxophoniste d’origine allemande avec le violoniste français frénétique et le vibraphoniste & batteur anglais.
Daniel Erdmann a remporté tous les prix de jazz allemands existants au cours des deux dernières années, et ce n’est pas une coïncidence, car c’est l’un des meilleurs trios de jazz actuellement, à mon avis aussi.
J’aimerais également évoquer un tout nouvel exemple, à savoir le TransEuropeExpress Ensemble de Hans Lüdemann, avec Majid Bekkas, qui sortira le 18 mars 2022. L’octuor de jazz lui-même est une collaboration des meilleurs musiciens de jazz d’Allemagne et de France, mais pour leur nouvel album, ils ont invité le célèbre Majid Bekkas (oud, guembri, voix) du Maroc. Le titre de l’album On the Edges 1 reflète la première étape d’une nouvelle initiative, qui est un programme à long terme visant à réunir des musiciens des frontières de l’Europe. Et parmi les autres territoires couverts par ce projet, on trouve la Scandinavie, l’Italie et la Turquie, par exemple.
↓↓↓
Un disque d’artistes émergents à suivre de près ?
La chanteuse Veronika Harcsa est très connue en Hongrie. Ces derniers temps, elle joue surtout avec son duo, qui comprend le guitariste Bálint Gyémánt, et son quartet, auquel s’ajoute une section rythmique belge composée d’Antoine Pierre et de Nicolas Thys.
Son nouveau projet, Debussy NOW !, s’éloigne de son univers jazz habituel. Ce trio est composé d’Anastasia Razvalyaeva (harpe) et de Márton Fenyvesi (électronique en direct, guitare). Cette version tordue de la musique classique pourrait être la bande-son parfaite d’un film moderne de l’Odyssée de l’espace.
Quel est votre disque préféré de tous les temps ?
Je n’ai jamais eu d’enregistrement préféré, donc je choisirais un album de jazz de l’année dernière que j’ai le plus apprécié, et c’est Drôles de Dames sorti chez nous. Le trio français composé de Thomas de Pourquery, Fabrice Martinez et Laurent Bardainne est en fait la section des cuivres de leur grande formation, Supersonic. Il est extrêmement rare que j’écoute un CD plus de vingt fois, mais cet album le méritait absolument. Il traverse avec aisance d’innombrables frontières musicales et représente l’esprit de notre label avec un effet glorieux.