Quels sont les impacts de la mobilité des œuvres et des artistes sur la création dans le jazz ?

La mobilité des personnes a toujours été un facteur clé dans le développement du jazz.

Nous savons que le développement du jazz aux USA est la conséquence d’une migration forcée du peuple africain. Le déplacement des populations de l’Europe de l’Est vers les Etats Unis a également joué un rôle dans l’interaction entre les rythmes Africains et les harmonies Européennes, qui a donné naissance à l’early jazz. En Grande Bretagne, les différents afflux de population ont eu le même impact.

La Grande Bretagne n’a pas accueilli des musiciens de jazz américains de la même manière que la France, le Danemark et d’autres pays scandinaves qui ont été capable de le faire. Mais, dans les années 70, l’afflux des réfugiés issus de l’apartheid de l’Afrique du sud a profondément marqué le jazz Britannique. Des musiciens tels que Chris Mc Gregor, Dudu Pukwana, Johnny Dyani et Mongezi Feza se sont installés à Londres et leur influence sur le développement de cette musique et leurs carrières est largement reconnue par Django Bates, Julian et Steve Argueles et Evan Parker.

De la même manière, l’influence des musiciens issus des Antilles ainsi que leurs enfants nés en grande Bretagne a porté le jazz britannique dans de nouvelles directions. Les styles des Antilles tels que le ska, le calypso, le reggae, le hip hop façon Britannique et le ‘grime’, des formes locales de rap ont eu leur impact : écoutez, par exemple, la musique du regretté Andy Hamilton, originaire de la Jamaique mais vivant à Birmingham depuis 1949 et mettez la en relation avec le mélange jazz et hip-hop de Soweto Kinch. 

Il serait intéressant de voir ce qui va résulter des déplacements vers l’Europe des musiciens Syriens, Iraquiens, Afghans et de pays africains. La mobilité des personnes par opposition à la migration est également significative à cet égard. L’Europe prospère en festivals de jazz et j’ai eu le privilège d’assister à des festivals en France, aux Pays bas, en Norvège, en Allemagne, Finlande, Pologne, Italie ainsi qu’au Royaume Uni. Dans ces festivals, nous remarquons que de nombreux groupes sont constitués de musiciens issus de différents pays.

Par exemple, Peter Eldh’s Amok amor, groupe que j’ai réellement apprécié à Birmingham et au festival de Moers est mené par Petter, suédois mais vivant désormais à Berlin et constitué du trompettiste américain Peter Evans, du saxophoniste allemand Wanja Slavin et du batteur Christian Lillinger, allemand également. Le projet Jazz « Shuttle » fondé par la Sacem en France a réuni des musiciens français et britanniques, projet qui a été fondé afin de développer une nouvelle approche. Par exemple, Electric Biddle est constitué de deux musiciens britanniques, Jim Hart et Dave Maric, un musicien français Julian Lorau et Hannes Riepler, autrichien basé sur Londres. Je pourrais citer de nombreux autres exemples.

Ce qui résulte de ces collaborations est le développement d’un style de jazz inter-européen, qui se diffère d’un jazz issu d’un pays ou d’une région particulière, comme le jazz norvégien, le jazz suisse, et qui sont également radicalement différents du jazz américain. C’est un jazz qui a de nombreuses spécificités mais également des points communs, qui a recours soit aux influences de la musique classique ou soit au rock, parfois les deux, ajoutant des éléments d’improvisation et l’utilisation de l’électronique.

Jean-Paul Mendelsohn