Aujourd’hui plus qu’hier, nous avons besoin d’espaces de rencontres.

Quelle étrange époque ! Je me souviens encore de la sensation surréaliste de notre dernière réunion de Jazz Connective à Londres et à Birmingham, lorsque le monde se fermait sous nos yeux. Trois mois semblent être trois ans, tant de choses ont changé depuis.

Nous pensons tous à l’avenir du monde et à l’influence qu’il aura sur nos vies. Nous nous demandons si les musiciens vont jouer à nouveau devant un public, s’ils pourront voyager, si notre activité va survivre. Les sentiments contradictoires de la nécessité de sortir et de reprendre une vie normale et la crainte des conséquences sur la santé se sont définitivement ancrés dans nos esprits. Les musiciens sont dispersés dans leurs foyers, se sentant souvent isolés et abandonnés. Les disparités déjà existantes dans les différents pays, résultant de politiques sociales et politiques variées et des inégalités de financement, s’accentuent. Tout cela rend encore plus complexe la tâche des artistes de se remettre sur pied et de reprendre leur carrière.

Le monde reprend peu à peu ses marques. Chaque pays à son propre rythme mais les discrets signes du printemps commencent à apparaître ici et là. Le monde va se reconstruire, mais pas de la même manière. La question est de savoir si nous sommes prêts pour cela. Nous en tant que promoteurs, nous en tant que public et nous en tant que musiciens. Le monde de la musique est maintenant en train de se transformer. Les conséquences de la crise actuelle vont encore accroître la compétitivité déjà élevée et les inégalités du secteur. Ainsi, il est encore plus nécessaire d’introduire des compétences, une prise de conscience et des connaissances dans la vie professionnelle des artistes. Dans le cadre des nouveaux régimes sanitaires, les salles de spectacle de toute l’Europe changent leur mode de fonctionnement, la mobilité artistique telle que nous la connaissons est redéfinie et le public est encore plus difficile à atteindre. La plupart des artistes se trouvent désormais dans les limbes, avec certaines perspectives d’exercer leur activité, mais sans savoir comment et quand. Ils vont être confrontés à des défis encore plus importants et ils sont plus vulnérables à l’exploitation.

« Les conséquences de la crise actuelle vont encore accroître la compétitivité déjà élevée et les inégalités du secteur »

La raison pour laquelle nous avons créé Intl Jazz Platform il y a 8 ans était de fournir aux artistes de Pologne et de l’étranger des conditions de travail inspirantes, sans rapport avec leur éducation formelle et donc sans institutionnalisation, standardisation et hiérarchies. Nous voulions permettre aux jeunes musiciens de développer leurs capacités d’improvisation en mettant l’accent sur la créativité, l’ouverture à une compréhension différente de la musique, le respect de la diversité et la liberté d’expression. Nous avons également réalisé l’importance de donner aux musiciens les compétences et les connaissances nécessaires pour se faire une place sur le marché de la musique.

Aujourd’hui, nous ressentons encore plus le besoin de continuer et d’offrir aux jeunes artistes un environnement dans lequel ils peuvent apprendre les uns des autres, échanger des idées, acquérir des connaissances sur le secteur, exprimer leurs préoccupations et leurs espoirs. Où ils peuvent ressentir un sentiment d’appartenance et où ils peuvent être compris et inspirés.

C’est encore plus important à présent de leur permettre d’augmenter leurs compétences entrepreneuriales, d’apprendre auprès de leurs pairs de différents pays, d’établir des contacts internationaux et de se préparer à relever les défis qui les attendent. Il est temps d’analyser leurs expériences antérieures, de revoir leur approche de l’activité musicale et de construire des stratégies pour leur carrière. Mais ils ne peuvent pas y parvenir seuls.

Depuis 8 ans, 40 musiciens viennent chaque année à Lodz et travaillent avec des professeurs extraordinaires qui les inspirent, jouent avec eux et partagent leurs expériences. Sidsel Endresen, Ole Morten Vagan, Maciej Obara, Gard Nilssen, Tom Arthurs, Dominik Wania, John Escreet, Kit Downes, Thomas Stronen, Marius Neset, Jim Black, Ingebrigt Haker Flaten et bien d’autres ont été une source inestimable de connaissances pour les jeunes artistes qui étaient souvent au début de leur carrière. Ils ont été leurs partenaires musicaux, toujours à la recherche d’une approche individuelle des étudiants, entrant dans le programme avec un esprit ouvert et une volonté de redéfinir constamment leur propre compréhension de la musique et de l’improvisation.

Cet été, contre toute attente, nous organisons à nouveau le dispositif La Plateforme. Avec la réouverture des lieux et des frontières, nous espérons pouvoir être là pour les jeunes artistes en août. Avec une équipe de professeurs extraordinaire (Eirik Hegdal au saxophone, Susana Santos Silva à la trompette, Aaron Parks au piano, Mats Eilertsen à la basse et Jim Black à la batterie) et avec des professionnels européens, nous serons là pour discuter, soutenir, analyser, écouter et simplement profiter de la musique. La créativité, comprise comme la capacité à s’adapter, à intégrer et à rechercher sa propre identité artistique, a toujours été au cœur de ce que nous faisons. C’est pourquoi, avec nos partenaires Européen, nous nous préparons déjà à cette nouvelle réalité.

Tout va bien se passer. Restez à l’écoute.