Do it for the kids | « Imaginez cent gamins qui hurlent littéralement de joie quand le rideau tombe »

Christophe Waldner forme avec Matthieu Garreau et Quentin Ripoll le trio de d'artistes à l’origine du spectacle "Isayama", un conte musical destiné au jeune public et adapté du roman de Pierre Bottero. Il raconte à travers cette expérience, les particularités et bonheurs de créer et jouer pour ce public, bruyant mais vivant, curieux et enthousiaste, pour qui le langage du soundpainting est parfaitement adapté. 

Christophe Waldner (piano, synthétiseur)
Matthieu Garreau (batterie, looper, effets)
Quentin Ripoll (comédien)

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Quels sont les enjeux de la création de spectacle pour le jeune public ? En quoi ce processus créatif peut-il diverger dans ta façon de créer, composer et penser un répertoire musical plus classique ?

Le jeune public est sans filtre, nature-peinture, il n’attend rien, il reçoit tout. Il ne connait pas les codes du spectacle, il s’exprime quand il veut, n’applaudit pas forcément, ou bien au milieu de nulle part, il chahute, commente… L’enjeu est donc d’arriver à le capter et à l’emmener du début à la fin.

On a beaucoup misé sur le rythme de notre spectacle : les 3 premières scènes sont identiques dans leur construction tandis que la 4ème vient casser cette logique. Le spectacle est intense, il n’y a pas de pause. La musique accompagne et souligne très souvent les gestes et les mots du comédien.

Au niveau de la création sonore, nous n’avons pas cherché à créer une musique “pour enfant”. Nous nous sommes attachés à illustrer du mieux possible le propos. Quand cela nous inspirait des sons puissants ou des rythmiques asymétriques, nous n’avons pas hésité.

Le jeune public est sans filtre, nature-peinture, il n’attend rien, il reçoit tout.

©Paul Bourdrel

Qu’est ce qui donne envie de créer pour le jeune public ? Est-ce que cela influence aussi ensuite la manière de créer et de jouer pour les adultes ?

C’est un peu cliché, mais pour moi, c’est de voir des étoiles dans les yeux des enfants à la fin du spectacle. Ce que te renvoie un public composé uniquement d’enfant (je pense aux séances scolaires notamment), je ne l’ai personnellement jamais connu avec les adultes.

« Imaginez cent gamins qui hurlent littéralement de joie quand le rideau tombe… c’est magique ! » 

Je pense qu’il est louable d’essayer d’obtenir la même chose de la part des adultes ! En tout cas pour ce qui est des étoiles dans les yeux. Plus sérieusement, je pense que lorsque l’on est sur scène pour un concert, il ne faut pas perdre de vue la dimension du spectacle, il faut se mettre en scène et si possible réussir à briser les codes pour mieux capter l’attention du public. 

©Paul Bourdrel

→ Les enfants sont un public très réceptif mais aussi probablement très exigent. La réception d’une œuvre se passe beaucoup dans l’échange pour le jeune public, est-ce la raison pour laquelle le spectacle «Isayama» est participatif ? Cela permet de canaliser et de répondre à ce besoin d’échange ?

En effet, l’échange est primordial dans le rapport au jeune public.

Pour ça, nous avons composé une comptine formée de chant, de percussions corporelles et vocales, et leur proposons une improvisation collective grâce au langage du soundpainting *.

Lorsque la transmission des contenus se fait en amont de la représentation (pour les scolaires notamment), cela nous permet de faire connaissance, de présenter le spectacle et d’expliquer le contexte. Les enfants viennent alors le jour J avec plus d’intérêt.

Pendant la représentation, cela permet de garder leur attention au maximum : les enfants participent à des moments bien précis, mais comme ils ne connaissent pas le déroulé du spectacle, nous avons mis en place un petit code sonore pour qu’ils démarrent. Aucun des artistes sur scène ne sort de son rôle pour les prévenir.

Enfin quand ils rentrent à la maison, ils chantent encore longtemps la comptine !


→ Lorsqu’on met en place un spectacle pour le jeune public, il faut aussi penser à l’intérêt et l’approche pédagogique de celui-ci. Quelle relation y-a-t-il entre cet intérêt pédagogique et exigence artistique ?

Je pense qu’il n’est pas forcément nécessaire qu’un spectacle jeune public ait une dimension pédagogique. Mais personnellement ça me tient à cœur !

C’est un challenge que d’arriver à créer un spectacle à la fois intéressant artistiquement et pédagogiquement. Il faut bien choisir le sujet et réfléchir à sa potentielle mise en scène dès le départ.

Pour Isayama, ça a été un coup de foudre dès la première lecture : la morale finale est très belle, la relation entre ce petit garçon et sa grand-mère m’a beaucoup touché, et le décor de la montagne est très inspirant pour la création. Les ingrédients étaient là, et je crois que la recette a fonctionné grâce à une équipe artistique talentueuse et investie.

©Paul Bourdrel

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Le Soundpainting est un langage de signes, universel et multidisciplinaire, permettant la composition en temps réel, pour les musiciens, les comédiens, les danseurs et les artistes visuels. A l’heure actuelle (2020), le langage comporte plus de 1500 gestes qui sont signés par le Soundpainter (compositeur) pour indiquer aux performers quel est le type de matériau demandé. http://www.soundpainting.com/soundpainting-2-fr/