Soledad Zarka & Loup Uberto

« Soledad approche les gestes et les objets du quotidien en tant que vecteurs d’une mémoire collective et silencieuse. Dans les rues, dans les embrasures des villes, elle montre des fables aporétiques à celles et ceux qui passent, des images apparemment banales et bientôt bouleversantes, troublantes de familiarité, et suspendues, comme ça, au seuil de la représentation. En considérant l’objet familier et le geste quotidien comme les deux termes d’une même expérience, elle fait apparaître leur symétrie ; L’objet est l’appendice, le prolongement du geste, et réciproquement.
Quand le geste met l’objet en mouvement, l’objet rend apparent ce que le geste seul ne peut pas dire, tandis qu’au même instant, le geste a rendu visible ce que l’objet inanimé ne pouvait dévoiler. Ainsi le corps dansant est-il théâtre d’une coïncidence de l’objet et du geste. Le corps est organe du dansé . De la même manière, le corps peut être organe du chanté, avec la voix comme appendice… De même, je voudrais mener le chant vers des formes de plus en plus pauvres et éloignées du concert, user du concert comme d’un outil de sabotage qui, retourné sur lui-même, devrait rompre l’illusion d’une frontière entre le temps de la représentation et celui de la vie quotidienne. Donner au geste de chanter la même fonction que celui de voir, de dormir, de boire, de préparer un bon repas… pour m’attacher ensuite à déterminer ce qui, dans le quotidien, doit nécessairement distinguer le chanté des autres gestes.
En duo, nous faisons l’ébauche d’une sorte d’archéologie du geste laborieux ; Tout comme le chant de travail soutient le geste de labeur, nous cherchons des gestes qui soutiennent le corps chantant, et de même des chants qui soutiennent le corps dansant. Nous menons en somme une étude physiologique du chanté avec le geste comme instrument de mesure, et de même une étude acoustique du dansé avec la voix comme instrument de mesure.
En mettons en fiction (de fingere – imaginer, manier) ces gestes et de ces voix, nous cherchons à manipuler des images « innommables », où le geste semble associé à une situation quotidienne mais où la situation demeure insaisissable, à l’instar des expériences de chocs cognitifs, où le sujet expérimente un sentiment d’étrange familier tandis qu’il observe un objet qu’il reconnait mais dont il ne peut plus énoncer ni le nom, ni la fonction… »
Lu